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Formes de Fiction

Paul BERTIER
14.10 — 19.11.2022

Le fusain de Paul Bertier trace la trajectoire d'une forme, construisant lentement un récit fictif, une esthétique. Cette caractéristique fondamentale est de plus en plus évidente, en particulier dans ses dernières œuvres. Ces formes extrêmement simples mais précisément délimitées, vont bien au-delà d’un seul imaginaire architectural. Ces lignes élémentaires sont emplies de dégradés allant du noir au gris. Elles dessinent une silhouette en relief sur le papier blanc, qui pourrait en fait être celle de n'importe quel objet. L'artiste remet en question la compréhension et la mémoire que le spectateur peut avoir des formes à priori. Il formule ainsi un récit formel inédit.

 

On pose ici à l'artiste 8 questions fondamentales, espérant qu'à travers ces réponses, le spectateur puisse construire sa propre interprétation de l’œuvre, à la manière de blocs de construction.

 

 

                                 —— Gao Fengfeng, la commissaire d’exposition et critique d’art

 

 

 

 

 

GFF :  Que représentent les formes ?

PB : Les formes représentent à la fois l'amorce et l'aboutissement de mon travail.

 

G : Quelles sont les formes les plus simples et les plus complexes, ou s'agit-il d'une même chose ?

P : Dans la plupart de mes séries, je cherche à simplifier des formes que j’ai d’abord photographiées. Par le recadrage, la découpe, l’agrandissement, le lien avec le modèle initial se distend, et la forme se charge d’une valeur plastique plus forte. Je peux alors l’utiliser tel que ou la recomposer avec d’autres formes simplifiées ou avec la même forme mais répétée ; je peux ainsi retrouver non une complexité, mais une forme de richesse.

 

G : Qu'est-ce que le noir, le blanc et le gris entre les deux ?

P : Le noir et blanc, c'est une économie de moyen propice à ma recherche formelle. Souvent, le blanc de la toile ou du papier devient un espace à investir. Le noir est davantage la structure et la matière. Les gradations du noir au blanc, un moyen de rendre sensible la lumière et les volumes.

 

G :  Seulement la forme de l'objet, mais la personne est absente, pourquoi ?

P : On me pose souvent cette question. Je considère toujours le regardeur comme acteur de l'espace que je propose dans mes expositions. Mes pièces fonctionnent en série et relativement les unes aux autres. Elles représentent des balises entre lesquelles on circule.
La notion de dimension est aussi très présente dans mon travail. Les images sont toujours pensées à l'échelle, dans leur confrontation aux corps des spectateurs. J'espère ainsi permettre une rencontre à l'intérieur de ces espaces de fiction.

 

G :  La symétrie et la répétition sont-elles des éléments dans la construction de votre propre forme ?

P : Oui tout à fait. Notamment dans la série Monument, je me suis donné comme règle de n'utiliser qu'une seule forme par composition. Son choix est alors primordial, car répétée, transformée et agencée, son potentiel formel se révèle et prend toute sa force. La répétition, le motif, c'est aussi cette idée de dimension. J'ai toujours apprécié ces architectures dont les matériaux de construction restaient lisibles (brique, pierre, bois, dalles de béton, etc.) Selon moi, la répétition d'un module simple permet au corps de mieux appréhender l'espace. La symétrie quant à elle, est un outil puissant pour produire une verticalité autour d’un axe central. C’est aussi un procédé très présent dans l’architecture classique qui a une influence importante sur mon imaginaire constructif.

 

G : Peut-on supposer que vous transformez une image tridimensionnelle en une forme bidimensionnelle ?

P : Oui, malgré mon intérêt manifeste pour l'architecture, je suis aussi fasciné par les images, leur construction et leur pouvoir d'évocation. J’aime cette tension entre l’existence physique des supports (le cadre, la toile, le papier, le fusain) et les formes dessinées qui appellent l'imaginaire. J'aimerais parvenir à conjuguer la radicalité d’une abstraction très plastique et le pouvoir d'évocation des formes agencées entre elles.

 

G : Peut-on supposer que vous avez créé une image floue avec une extrême précision ?

P : C'est une formule intéressante. Julien Verhaegue qui a récemment écrit un texte sur mon travail dit à ce propos : « L’œil est désormais invité à scruter des formes et des silhouettes qui intriguent, car elles ne se réfèrent plus à quoi que ce soit de précis, alors qu’elles semblent simultanément détenir une sorte de vérité. »

Cela reflète assez bien ce à quoi j’aspire.

 

G : Que pensez-vous que le spectateur verra ou ressentira dans ces formes ?

P : Au-delà de chaque pièce individuelle, je souhaite créer de véritables ensembles formels : par mimétisme ou par contraste, des liens se tissent dans l’espace d’exposition. Comme je l’écrivais dès mon premier texte d'intention il y a dizaine d’années, j'aimerais que les spectateurs forment leur propre chemin dans ces espaces instables, en suspend.

YANG Jin ©️ Galerie Paris Horizon
ZHAO Yumeng ©️ Galerie Paris Horizon
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