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Les Séries

Jin Hyoseok

20.04 — 10.06.2017

Hyo-Seok Jin, artiste coréen vivant en France depuis près de vingt ans, est installé à la croisée de deux traditions qu'il met en scène en situant sa pratique au plus près d'une des sources de l'art, celle qui mêle les eaux claires de la pensée pure aux reflets des formes qu'elle engendre.

Espace, image, geste

Il faut commencer cependant par la seconde question car c'est bien à partir l'inévitable non coïncidence entre image mentale et réalisation concrète que se joue la tension qui anime la pensée artistique. Il y a un paradoxe de l'image. Ce n'est pas qu'elle ne ressemble jamais à son modèle, c'est que le modèle se révélant intransportable dans la réalité, il devient source de l'imagination et mesure du délire. Ici, la forme pure est de l'ordre des formes platonicienne, des éléments à la géométrie simple, carré ou rectangle. En tant que telle, cette forme n'est rien qu'une matrice en sommeil. C'est de la rencontre avec un matériau, des dimensions, des éléments supplémentaires comme des couleurs qu'elle commence à faire résonner, dans la tension et la torsion, le potentiel créateur qu'elle porte en elle.

L'espace n'existe pas en soi. L'espace est la dimension de la pensée en tant qu'elle est appréhendée par un corps, entendons un système perceptif complexe. Mais l'espace est le lieu mental de la manifestation d'un paradoxe. Une fois perçu, il apparaît impossible de penser qu'il ne préexistait pas à sa manifestation.

Percevoir, c'est agir, car il n'existe pas de perception qui pourrait s'en tenir à une sorte de passivité idéale. Percevoir, c'est toujours répondre par un geste concret à un geste mental qui a pu se produire en nous malgré nous. Un geste n'existe que dans un système de coordonnées à trois dimensions, c'est en cela qu'il donne lieu à l'espace. 

Plier, déplier, exposer

Il y a entre ce qui est pensé et ce qui vient sur la feuille comme dessin une inévitable torsion. C'est d'elle que naît l'idée du pli. Le pli est donc la dimension même de l'art en ce qu'il permet de passer du modèle parfait par essence, à l'objet réalisé. Ce dernier n'est pas imparfait mais affecté par le pli du passage par le geste et la matière.

Hyo-Seok Jin produit une œuvre qui se situe au plus près de ce problème : comment garder à la fois mémoire de la perfection mentale, ne pas ignorer la puissance du geste et conférer à l'objet réalisé la puissance propre qui appartient à chacun de ces deux mondes.


L'image pure ne se peut approcher que par le reflet, ce qui ne veut pas dire comme reflet. Hyo-Seok Jin l'a compris qui a su donner consistance au reflet vide, c'est-à-dire ici à une conception de l'espace comme non encore engendré, à partir de jeux de recouvrements ou de glissements d'une surface sur un autre. Les couleurs sur ses panneaux lui ont permis de faire exister le reflet sans image et les panneaux eux, ont pu donner faire exister une surface qui incarnait l'image mentale abstraite.

Il a ainsi pu associer comme surface ou comme volume ces formes pures portées par des surfaces colorées incarnant le mécanisme même de la double image.

Déjà, dans ces œuvres les lignes de séparation entre plaques, ou entre blocs faisaient apparaître un autre jeu possible. La surface glissant sur une autre, la ligne recoupant une autre faisait émerger une forme nouvelle qui demandait à être agie.

L'image « cassée » se révélait porteuse d'une autre dimension plus essentielle encore celle du pli.

Plier est ce qui a lieu malgré nous et en nous à chaque seconde, c'est le nom de la torsion entre psychisme et perception. Déplier est le geste par lequel l'art en inventant l'espace permet à la pensée de devenir monde en s'exposant et, s'exposant de devenir espace. 

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